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septembre
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L'INSA Strasbourg a mené une enquête auprès de ses 2000 étudiants pour connaître leur ressenti pendant cette période inédite. En dépit de la soudaineté du bouleversement, ils ont dû apprendre en autonomie, s'organiser, s'entraider et rester motivés, surtout. Une enquête qui nourrit la réflexion pour améliorer les conditions de l'enseignement à distance à l'école.

653 étudiants ont répondu à l’enquête envoyée en avril 2020, en plein confinement, ce qui représente un bon taux de réponse. Ils ont été nombreux à développer leurs réponses en écrivant des commentaires, ce qui indique leur intérêt, sans doute aussi leur besoin de s’exprimer alors qu’ils sont isolés et vivent une expérience hors du commun.

Plutôt équipés et satisfaits compte tenu des circonstances

Pendant le confinement, leurs conditions matérielles étaient, pour la plupart, bonnes : les étudiants étaient en majorité plutôt bien équipés avec un ordinateur personnel (94%), un smartphone (83%), des logiciels (61%), un débit internet fiable et robuste (seulement 42%). Deux tiers d’entre eux l’ont passé chez leur parents (64%), les autres étaient seuls chez eux, en colocation, ou en résidence universitaire. 

Du jour au lendemain, il a fallu s’organiser et apprendre à apprendre à distance. Cela ne s’improvise pas, et pourtant il a fallu improviser ! Les étudiants sont plutôt satisfaits de l’enseignement à distance qui a été mis en place (31% sont satisfaits et 52% partiellement satisfaits), même s’ils regrettent la dispersion des outils d’enseignement. Serveurs, plateformes, cloud ont été différemment utilisés par les enseignants, ce qui a gêné les étudiants.

Autonomie et organisation personnelle

Les deux plus grandes difficultés qu’ils ont rencontrées concernent l’organisation du travail en autonomie (63%) et le sentiment d’être surexposé aux écrans (51%). Ce dernier peut paraître surprenant pour ceux que l’on qualifie de « digital natives », mais qui l’est moins quand on rappelle le contexte d’isolement contraint, à devoir travailler les journées entières sur leurs écrans, avec des interactions sociales limitées.

« Ils ont vécu une expérience inédite où vie étudiante et vie personnelle était confondues, sans la stimulation induite par le déroulement d’une journée type en présentiel. Il a fallu apprendre à travailler en autonomie, gérer son temps, organiser sa journée, se fixer des objectifs, faire preuve d’autodiscipline… Certains se sont sentis  dépassés, parfois déstabilisés par l’absence de repères qu’offre l’enseignement présentiel. Ils passent beaucoup de temps et déploient de l’énergie pour s’organiser et trouver l’information, ce qui génère un stress » analyse David Wissocq, ingénieur pédagogique à l’INSA Strasbourg, auteur de l’enquête. D’où le sentiment d’une forte charge de travail pour 39% d’entre eux, également largement décrite dans leurs commentaires.

« Mais d’autres ont aussi pris plaisir à travailler ainsi, différemment, en autonomie, à gérer leur temps comme ils le voulaient » ajoute-t-il. Cela concorde avec les atouts qu’ils estiment de l’enseignement à distance : la flexibilité (80%) et l’autonomie (63%).

Philippine Hubert, Vincent Mesnard, Alessandro Loda, Armelle Maatoug

Melting world, illustration de Philippine Hubert, Vincent Mesnard, Alessandro Loda et Armelle Maatoug, publiée dans le blog partagé « Voyages à part », créé pendant le confinement par les étudiants architectes ingénieurs en 3e année à l’INSA Strasbourg.

 

Absence de manipulations et d’interactions

L’enseignement en présentiel leur a manqué. Les étudiants déplorent l’absence de manipulations et d’applications pratiques, l’inaccessibilité des équipements et des logiciels métier, ainsi que, sans surprise, des interactions parfois limitées avec leurs enseignants et avec les autres étudiants. D’où les faiblesses de l’enseignement à distance, selon eux, pour entretenir la motivation (87%), l’efficacité (78%), accéder aux équipements (75%), interagir avec l’enseignant (73%).

« Pour pallier l’isolement , nombre d’entre eux ont mis en place des solutions, comme les serveurs partagés de type Discord, pour rester en lien, communiquer, s’entraider, apprendre les uns des autres. Ces liens d’entraide existaient en présentiel, mais une nouvelle forme de solidarité s’est mise en place chez les étudiants via le numérique durant le confinement. Rester motivés dans ce contexte d’isolement a été très difficile pour eux » souligne David Wissocq.

De ce fait, les étudiants estiment que l’enseignement à distance est plus adapté aux cours magistraux, mais pas aux travaux dirigés et encore moins au suivi de projets.

Évolutions 

Cette enquête nourrit la réflexion pour améliorer les conditions de l’enseignement à distance à la rentrée et pour l’avenir. L’expérience subie, contrainte et forcée de l’enseignement à distance constitue une expérimentation inédite et le socle d’une réflexion qui sera amenée à se poursuivre. Elle nous permet aussi de situer quelques enjeux des applications du numérique dans les pédagogies de l’enseignement supérieur, tels que la protection des données personnelles, l’évolution des pratiques pédagogiques et de la posture de l’enseignant. L’expérience nous montre qu’un enseignement à distance ne s’improvise pas, il nécessite de la préparation, de l’accompagnement et la formation des enseignants.

« Il faut être deux pour danser le tango », et il en va deux même pour l’enseignement à distance. Côté apprenant ce type d’enseignement requiert davantage d’autonomie, et le développement de nouvelles compétences liées à la collaboration à distance, à la recherche informationnelle, et la maîtrise d’une solide culture numérique.

Il est encore tôt pour tirer les conclusions de cette expérience de confinement. Toutefois ce sondage étudiant nous a permis de recentrer la communauté pédagogique sur un nombre limité et concerté d’outils afin d’éviter un effet « éparpillement » perçu par les étudiants. De nouveaux équipements viendront équiper les enseignants. Un dispositif a été mis en place pour accueillir les étudiants « empêchés » dès la rentrée.  Nous souhaitons remercier les étudiants pour leur participation à ce sondage, et leur implication sans cesse croissante dans la vie de l’école durant cette période de crise sanitaire.

Stéphanie Robert et David Wissocq

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